L'atelier
Chemins
de traverses
Autodidacte
à la base, Fernando Costa travaille avec les matériaux
de récupération... Mais pas n'importe lesquels.
Son truc à lui, c'est l'émail : panneaux routiers, faitouts
ou brocs... il en fait des mosaïques étranges, sobres comme
un Soulages, ou émouvantes comme des bricolages d'enfants.
L'atelier
est un atelier comme beaucoup d'ateliers.
Les tableaux longent les murs, et une grosse bête en préparation
trône au centre.
Ces
tableaux là sont décidément bien étranges,
pourtant : suivant l'axe du soleil, les couleurs étincellent
ou se taisent. Des murs d'acier se matérialisent sous nos yeux,
des fenêtres sur l'eau, des espaces étranges qui se désagrègent
à la lumière de l'ombre.
Les
panneaux de signalisation routière sont faits pour taper dans
l'œil et trancher dans le vif de la route. La nuit, un fil de lumière
suffit à les éveiller de leur sommeil et à faire
naître de l'ombre les chemins invisibles. Le jour, leur rouge
ardent, le blanc laiteux des fonds, les oranges, les bleus - oui : les
bleus. Je veux reparler des bleus, moi qui croyait n'aimer que le rouge
- nous sautent à la gueule sans considération.
Ici, ils renaissent. Ils se livrent ventre ouvert à l'artiste
qui les a broyés, découpés, aplatis, écrasés,
remodelés, et recomposent d'autres panneaux.
Ici, ils ont l'air aussi fragiles que des assiettes de porcelaine.
Les
bleus à l'âme de Fernando Costa
On
se noie dans la profondeur des bleus lisses et ronds et l'envie d'y
toucher nous surprend quand notre œil y a goûté...
Mal nous en prendrait ! Aussitôt approché, aimanté,
le regard se vrille horrifié sur les bords acérés
des tôles à nu.
Non : ne pas laisser courir sa main là.
L'indécence interdite.
L'amoncellement est une peau de fer, une carapace pour la tentation
du vide, et le désir de l'œil.
J'aime
toujours les rouges profonds et chauds, les rouges d'Orient, les rouges
Banania, les sarouels.
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Mais
les bleus d'ici m'interpellent.
Je redécouvre Klein et Soulages.
Le sens du toucher me manque. Je voudrais caresser les tôles sans
me blesser, sentir sous mes doigts ce que mes yeux ressentent. À
la fois pour pénétrer sur leur territoire et pour en toucher
la limite.
Ils parlent des rues, de gens que je ne connaîtrais jamais. Ils
me tournent le dos.
Ils m'offrent des mystères. Leur bleu est plus bleu que bleu.
Le bleu des bleus.
C'est le bleu de l'âme.
Fernando Costa a été chercher dans leurs bleus les mots
qu'il tait.
Lauranne
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