Écorches
(extrait)
dans
mon manteau en peau de moi
je vais
je suis de feu de sang
et vole
et brûle
en l’air
limpide
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n’est
que |
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ce
que je vois |
|
ce
que je vois |
|
n'est
pas |
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quelconque un papillon
est également pro
fond ni plus ni moins que
la pensée : mais avec
d’avantage davan
tage d’économie
et légance
*
parler
et couvrir
la nuit
tombe
des lits
de pissenlit
il est en retard
le cri fracassant l’aube
et c’est l’effroi gris
perle de parole
tu chantes la marge fauve
l’étonnement des passereaux
*
Je prends un mot de la main gauche. Puis de la droite (si ce jour-là
je suis droitier), j’empoigne ma hachette, ma préférée,
celle au manche de bois vieilli à l’âtre de gascogne.
Alors, d’un geste vigoureux, je cogne et taille le mot en pointe,
bien acérée.
D’abord, on croit que certains mots s’y prêtent,
et d’autres non. C’est faux. Tous les mots se prêtent,
ab so lu ment tous les mots, à être taillés en
pointe très acérée, et deviennent à loisir
des poignards, des dards, des javelots, des plumes de jadis. C’est
selon ce dont on a besoin à l’instant.
Une fois le mot pointu ainsi que je le voulais ce jour-là,
je le plante.
Je le plante sans remords. Je le plante sans retard. Je le plante
sans regard. Je le plante sans égard. Sans con ni ren ni in
ni même tergi verser. Je le plante là où ça
fait le plus mal.
D’abord, on croit qu’il y a un endroit, unique et le même
à chaque fois et pour tous, où ça fait le plus
mal. On suppose que ce doit être l’œil, ou l’en-dessous
de la langue, ou l’en-dedans du sexe. C’est faux. D’aucuns
sont pour ainsi dire devenus insensibles de ces côtés-là.
Mais nul jamais n’est insensible de tous ses côtés
à la fois. N’importe quel endroit peut être celui
où ça fait le plus mal. On est surpris de voir que ce
peut être le bout du pouce, ou le lobe de l’oreille, un
orteil, la frange de l’auréole, ou, mais oui, tiens,
oui même, la cravate, le diplôme de droite pensée,
l’araison sociale, la carte d’accréditation, le
bulletin scolaire des enfants, l’honneur rangé en légion.
Quand j’ai bien repéré l’endroit, j’ai
il faut dire une certaine expérience des endroits où
ça fait très mal, j’y plante le mot : tchac. Ou
tsac. Ou schtak. Ou ppah. Tout dépend de la façon dont
je l’ai taillé, et de l’endroit où je plante.
Dans une cravate, si la pointe est très effilée, c’est
presque silencieux : un sifflement, qu’il faut une oreille aguerrie
pour entendre. Mais si c’est bien l’endroit où
il fallait planter, ah je vous jure, c’est efficace. J’en
ai vu plus d’un se tordre de honte de se voir soudain affublé
de ce chiffon à pendu, simplement parce que j’y avais
planté d’un mouvement sec et sans concession le susbtantif
féminin « laisse » bien aiguisé.
Ensuite, on peut devenir grands amis, à la vie, à la
mort, à jamais, pour toujours, et même bien au-delà
de ces délais un peu mesquins.
Ensuite, aussi, il arrive qu’on devienne ennemis, à peu
près aux même conditions, sauf que cette fois, on reste
au-dedans strictement de l’enclôture des mesquineries,
sous l’enclouüre des chiotteries..
C’est tout de même une belle consolation, allez, qui me
repersuade quand bien même d’encore tailler et les mots
bien planter.