Jean Pierre Pouzol

Comme une oka d'argent

pour Cristina

« qui est descendu dans la poésie
« jamais il n’en ressortira 
»

Pour qui s’est engagé
                   a engagé quelque chose comme sa vie
                   pari fou
dans l’inconnu devant lui ouvert

pour qui à son commencement s’est précipité dans la béance d’écrire
                   n’est revenu de rien
                   s’est brûlé à l’incompréhensible
                   a brûlé

                   et cru
                   au-delà de lui-même
                   et dans tous les autres
                   qu’il existait un point
où chacun basculait irréversiblement le monde

                   et cru contradictoirement
                    jusqu’à buter dans soi
                    pour déraciner
                   son vide atroce

à toujours filer sa pensée
pour coudre au fil des mots
ce que jamais plus il ne verra

mais entendra toutes ces voix
peintes dans la poussière
un souffle de lumière rauque
dans la vase du cercle

et entendra sa voix
et cherchera son corps
et sa pensée brûlera

 « qui est descendu dans la poésie
« jamais il n’en ressortira 
»

pour celui là la vérité balise Babel.

* * *


peut-être faudrait-il instaurer
            le mot à mot du poème
qui ne soit que sa description

matière totale
servie à table
            ou au paysage

un bruit de langue
qui se pense

peut-être faudrait-il déclouer son centre
le fondre là où il s’attache à la torche

glue dans la nasse
d’une pensée dévastatrice


La vérité est la pierre que l’on se jette pour éclater sa pensée

La vérité est le chas pour passer l’eau et le feu

La vérité est la craie de la voix et de l’écriture

La vérité est un trou sans corps, un chant totemisé.

La vérité ne saurait être absente.

La vérité est un cerisier en fleur

La vérité est ce même cerisier posé sur la table, gâteau de fleurs blanches.

La vérité tisse le feu, et le feu boit la poésie et la poésie renverse l’évidence.

La vérité est en guerre et vit dans la parole nomade

La vérité sort de la bouche du four

La vérité est une variante de la vérité parce qu’elle se lave au cerveau de la montagne.

La vérité est une douche froide.

La vérité est la horde des ombres resurgies.

Toute vérité garde en elle le rire fossile du néandertalien.

La vérité c’est émeuter la bouche verticale,
c’est la claie dans le charnier
le sang des victimes qui sortent du bois.

Pour nous qui avons des papillons odorants sur les mains
la verité est l’ange du couteau sur la langue,
entre étoile et pommier.


Où naît le feu
J’entends toujours
Les cris profonds
Crissant les buis

Nu sans nom
éclaté au bord
Du vide froid

Nu sans nom
Rôti en terre
De cendre

Le temps tourne
Qu’on enfourne
Dans la bouche
De l’air

 

Lycée Hôtelier, 16 mars 2005.

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