Jean Pierre Pouzol

The Brueghel Brothers

ces dieux en bérets
qui conduisent
la brouette à la psyché
nous regardent étonnés
car nous ne sommes
même pas des vaches

nous flottons
dans leur regard
pour appartenir à l'ailleurs
qu'ils ne peuvent habiter

*
assis sur le bas côté de la route
ils reposent

dans la brouette un sac plein
retient le ciel de la forêt

ils attendent sans réponse
parmi l'herbe mouillée
le baiser du printemps

*
hébété
seul
le grand salut

la nuit approche

loin

un vol d'étourneaux
les efface

*
penchés dans le vent
ils vont vers la nuit

un cliquetis de roue
tourne dans leur tête

leur chemin
est bracelet de lune

*
on entend un bruit de source
une clé d'eau qui tourne
dans la serrure d'herbe

ils ont posé un sac d'engrais vide
sur la dalle de béton
et se sont assis

rien n'arrive
que le temps

*
deux pierres deux plumes
prisonnières dans la boîte à lettres

deux pierres deux plumes
comme une parole d'enfant
tombée

*
frères que nous direz-vous
du soleil qui sort du bois

comme un boulet d'angoisse
noir

qui descend et ne descend pas
et bouge dans sa bogue

*
dans le mot oiseau
ni aile ni os

dans le mot oiseau
s'envole

la table et la toile
la fable et le squale

dans le mot oiseau
plus de porte

plus de clef
plus de branche

que la clenche
telle un dard

dans le mot oiseau
il n'y a qu'un mot

ni ciel ni fontaine
ni chair ni nerf

dans le mot oiseau
pousse un arbre

dans le mot oiseau
germe le mot

oiseau oiseau
ni ciel ni os

dans le mot oiseau
l'oiseau est sa cage

dans le mot oiseau
il y a mon loup
qui me dévore

voici l'oiseau-dieu
voici l'oiseau-loup
voici l'oiseau-proue

*

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