Jean Pierre Pouzol

Autour de ma naissance

pour Christophe


Dans la nuit l’air claque comme une porte
Un lourd filet d’étoiles déchire chaque parole
J’ouvre mon poème pour libérer les morts
Je tends un drap de feu et de chant invisible
et remonte mes rêves brûlants de la fosse
et me tords chevilles et pensées dans le trou d’enfance
Ma mère morte maintenant couche sous terre
Elle qui craignait tant l’hiver


C. 31 Octobre 2003.


***


Je suis resté longtemps genoux contre terre
Vers le soleil je tirais ses yeux
Aux longues racines blanches
Et soudain j’ai pensé à Nelly
Ah comment chanter sa vie entière poursuivre
Comment vivre quand tout autour de vous vous ment
Et qu’on vous arrache l’âme et qu’on vous laisse
Dans les cris lointains
Et j’ai pleuré d’atroces silences
Je voulais ne plus exister murer
L’amour et le non-amour
Me fuir en elle jusqu’à l’accompli
Alors mes mains creusèrent un oracle mauvais
Sans plus resurgir j’étais définitivement
Seul martelant mes paroles contre terre
Sans toi sans toi sans toi perdue perdue perdue


31 octobre 2003.

***

En ce temps là je lisais un poème où il est dit « Le petit cheval n’y comprend rien »
Mais ce que je comprenais moi n’avait rien à voir avec ce qui était écrit
L’histoire que je m’inventais avait un soleil tout autre
Comme aujourd’hui je me perdais dans mes silences
Et je voyais ses cheveux de braise telle la crinière de la lune dans la fourmilière des mots
Et maintenant ce cœur bat dans la terre et sur mes lèvres boit le ciel de la page
Chant broyé dans ma bouche voix hantée qui sort des buis pour crier sur la berge
Voix blessée qui rouille dans la rivière et mendie mes mots
Je mèle au présent le passé j’emmêle passé et avenir je me vois
De face dans le bois et broie mes bras dans les draps d’insomnie
Et broie entre mes bras mes rêves comme une bête à l’étal ouverte
Ô cette absence à soi qui franchit un chant emmuré


***


Poussa la porte et devint né et rua et poussa lui qui s’ouvrit autre parmi tant d’autres
Et ne devint qu’un lui parmi d’autres pareils et ne devina son autre-lui qui naissait
De paroles tuement tuées dans lui jusqu’à sa boue de chair bottée dans la bouche et
Se pila les doigts aux mots et se sut un fini et vomit et cria en d’autres
Et voulut pouvoir mais vivant il ne se sentait pas réelle surface pour chaque lui


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