Jean Pierre Pouzol


Nous avons posé une serrure

j’ai posé une serrure de soleil
et une fenêtre de nuages
car les nuages
sont les yeux des mots

j’ai voulu frapper
mais il n’y avait pas de porte

à la place du seuil
il y avait un couteau
et le ciel
et aussi un chemin

j’ai marché sur ce chemin
pour être la soif du chemin

le temps hennissait sur la berge
comme un arbre qu’il faut abattre

à la place de la porte
il y avait l’ombre du soleil
elle ressemblait étrangement
aux chimères de mes poèmes

car tout poème
pour exister
à besoin
d’une ombre
à ses pieds

j’ai pris le couteau du ciel
pour l’enfoncer dans la porte
qui n’existait plus

un cri long coupa
le poème en deux
bouches égales
d’où s’envola
le dieu des oiseaux

la fenêtre s’ouvrit
au fond de la rivière
et j’étais aveugle

les mots des mort s’ouvraient
à rompre le coeur

avant de naître
on m’avait suicidé
avec une corde de fou
pour que je ne vois pas le trou

les prunes tombaient
sur la citerne
le chat lapait le miroir

au bout du couloir
il y avait des draps
pour plus tard
quand les feuilles
noirciraient la peau
des herbes et des rêves

puis ce fut le soir
puis ce furent des bêtes
qui descendaient des étoiles
pour peindre avec leur langue
la cave profonde

puis le chemin
devint la forêt
de tous les yeux
de toutes les langues
devint ce qu’il n’était pas
la voix qui forait le mur invisible

Pour Michèle Lévy, Philadelphie - Warminster
16 et 17 septembre 2002

Je ne tiens plus sa main froide dans la mienne. J’avance seul dans un futur de paroles souterraines dont la crue montante rompt. Mes pas assignent d’autres territoires à mon coeur alerté. Et les putréfiants de ce temps s’attablent, nouveaux messies de l’égorgement mental. Rien ne fera que je ne vise droit, que je ne déchire leur souveraine sollicitude.

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