Lauranne

Réflexions sur le féminin


Donner une vie au sens, à défaut de donner un sens à la vie.


Dans mon oeuvre le corps, représenté ou actif, est le lieu premier de création l’image féminine y intervient essentiellement en tant que représentant l'humanité en général. La métaphore de l'enfantement, où l'être crée acquiert une identité et une vie autonome, me paraît la plus à même de traduire la problématique de la Création. Création qui est celle de l'artiste, mais aussi la trace que tout être laisse de son passage. Se poser la question de la Création ( pourquoi ? ) signe à mon sens l'humain.

La femme, en tant que telle, est aussi le lieu de cette création ( qui participe d'une rencontre ). Son sexe est un trou, c'est à dire un lieu de passage. Nous sommes troués. Nous sommes constitués majoritairement de vide, et c'est ce qui nous constitue. Nous sommes une porte, essentiellement, plus que le mur. En interaction constante avec l'univers. L’image de la femme, et sa façon d'accueillir l'autre ( en son sexe, en son corps ), de le recevoir en elle, me paraît caractériser la condition humaine plus que l'image masculine. C'est ainsi. Nous sommes transpercés par le monde qui nous entoure. Nous devons savoir l'accueillir. C'est ainsi que nous pouvons créer: par l'accueil de l'autre, celui qui n'est pas nous et qui signe notre passage à la lumière du dehors. Alors la fusion des énergies engendre quelque chose.
Ce sexe, bien entendu, le masculin n'est pas sans l'avoir. C'est une métaphore. Celle de femmes béantes ouvertes sur le monde. Le monde et sa brutalité.
Le monde de ceux qui « rentrent dedans » et de ceux qui « accueillent ».

In Cahiers de L'IRSA numéro spécial, septembre 2004 P. 295-298 « Penser le sexe »

Souillac, mars 2004

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Suite illogique ( ? )


À la Fac, déjà, je me rappelle le prof (gentil, sympa, ouvert) étonné devant ma vindicte parce qu’il avait cité Chaipuki « La femme n’est pas sans l’avoir ». Nous parlions de psychanalyse, et donc de sexe.
Il parlait de ces photos de femmes voilées, suprèmement érotiques, car phalliques ( ?? ) : droites, érigées, en des voiles plissés qui sont « aériens », qui se gonflent sous le vent (du désir).(*)
Moi, j’y voyait des figures vulviennes : des vulves gonflées d’amour peut-être ; plissées et dont les plis révélaient les trous du désir.
« Qu’est-ce qui se gonfle, qui est plissé et se déplie ? Qu’est-ce qui enveloppe, protège, enserre et délivre, s’ouvre et baille sous le vent – l’orage, la tempête - du désir ? Mais c’est la vulve, monsieur ! »
PAS le phallus. Il ne recouvre rien, et ce qu’il a à dire : ce n’est que lui-même.
Alors pourquoi parler de phallus ?
Même si je suis convaincue que « l’homme n’est pas sans l’avoir ».
Et, en plus, j’aime bien cette ambiguïté (qui me gène dans d’autres contextes) contenue dans le mot « homme »…

(*) Gaëtan de Clérambault (1872-1934) photographia 40 000 photos lors de son séjour au maroc (devint expert en drapé)


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Je ne suis pas féministe : je suis une femme. Je suis simplement une femme. Je crois ressentir un trou en moi ( bon dieu, que je l’aime, ce trou ! ) par où d’autres passent et me bouleversent.

Éloge de l’autre, éloge de la différence.


(*) Gaëtan de Clérambault (1872-1934) photographia 40 000 photos lors de son séjour au maroc (devint expert en drapé)

 

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Quand ma main où ma langue se font actives et inquisitrices et que tu gémis, je pleure de partout. Je déborde de joie ; mais je fuis et ne m’emplis pas.

Cette immense émotion là est autre.

Bien sûr, quand mes seins ou autre chose sont captés par ta bouche, j’ai l’impression quand même de te recevoir, et qu’entre en moi quelque chose qui me transforme.
Peut-être est-ce ce que tu ressens quand tu me pénètres. Qu’en sais-je ?
Une mise en danger, un don entier de soi.
C’est recevoir et accepter.
Ta bouche m’enferme. Elle est muqueuse sensible et chaude, elle est cette ouverture vers toi. De muqueuses à muqueuses, nos humidités se rencontrent. Je te remplis comme je peux de mon amour pour toi.
Celui qui m’emplis toute entière, et déborde, et gicle vers toi.
Je suis un puits.
Un trou sans toi.
Un trou de toute façon.


***


Et fuse vers toi.


Capillarité.

***

Avec l’autre je suis deux.
Avec l’autre je suis moi.
Et toi.

J’aime la différence qui m’anéantit.
Jamais je ne pourrais atteindre ce que je ne suis pas.
Te rejoindre : toi. Par qui je vis.

L’artiste soulève ses vieux os et se traîne vers la fenêtre.
Le trou.
Dans le mur : le trou de la fenêtre.

L’autre est là-bas.
Ouvrir grand la fenêtre pour le laisser entrer.

Souillac, le 14 juillet 2005


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