Lauranne

Corps sans bords

Art et corps

Mise à jour : 2-déc-08


Vacuités

(explication de texte)

À Xavier Lambert, qui a dû lire « Peau damnéee » et m’accueillit comme un chien dans un jeu de quilles.

Le texte en gras est de Xavier Lambert "Corps sans bords", et date (au plus tôt) de 2002.

Le reste est constitués d'extraits de "Peau Damnée", éditée en 2001 au "Nœud Des Miroirs", écrit vers 1997, et dont des passages ont été lus à l'époque dans plusieurs cours à la Fac de Paris 8 !

Sauter le bla-bla ci-dessous
(collecte de frustrations et d'amertumes)

Venue à Toulouse en juillet 2006 pour une VAE (je m'étais fourvoyée, mal orientée par moi-même, je dois le dire, ayant privilégié l'aspect technique -ce qui correspond plutôt à la Fac de Poitiers), je fus fort surprise de ne pas y voir un seul ordi, et donc encore moins une connection ADSL visible. J'avais bonne mine avec mon CD dans mon sac, et l'espoir plus logique qu'il suffirait de cliquer en ligne pour avoir les mêmes choses. Seulement des piles de caisses poussiéreuses et un monsieur avachi qui commit l'obscénité de mettre en parallèle un fils d'ambassadeur Chinois ("j'ai des étudiants chinois... et qui ne travaillent pas") avec, sans doute, des boat people ! Il a bien insisté sur le fait qu'il ne me serait pas possible de travailler si je voulais poursuivre en Mastère (donc : obligation de me faire entretenir, ou d'avoir une Bourse -cas de l'étudiant Chinois cité, je n'en doute pas-, ce que n'ont pas les réfugiés tibétains, ni une future chômeuse sans VAE, mais trop diplômée).
J'ai toujours travaillé, et fait les poubelles. J'ai été nounou dans le 16ème, dame de ménage beaucoup, tout en poursuivant des études et payant des cours en parallèle, du temps où le RMI n'eexistait pas. J'ai passé mon CAPES tout en débutant comme Instit au Val Fourré (Mantes la Jolie) et en passant dans la foulée (le mercredi) licence et Maîtrise en arts plastiques (Prépa au CAPES le samedi).
Non, je ne suis pas fille de Ministre, et polluer la planète (172 km aller/172 km retour) parce que quelqu'un n'a pas daigné cliquer sur un lien indiqué (il a lu ma demande papier sous mon nez ! sans ordi, il ne pouvait que dire des idioties sur ...ma "galerie sur Internet", truc de débile, que je faisais déjà pour les amis depuis 1998. Mais sans logiciels faits pour, à l'époque. Je tapais le html "mot" à mot. Et c'est quand j'ai dit "je viens de loin" (pour me dire ces âneries,un courriel aurait suffit), qu'il m'a envoyé dans les dents son étudiant Chinois (qui devait habiter en Résidence Universitaire à 200m, en fait !), sans doute venu à la nage, puisqu'il ne travaillait pas, vu le prix du voyage pour un simple "pékin" -sic-moyen de là-bas... Et forcément voleur d'ordinateur, squatteur et dealer s'il n'est pas fils d'Ambassadeur (papiers en règle, SVP) puisqu'il n'a pas le temps de travailler en dehors.

Au fait : entre-temps, j'ai les 2 canaux carpiens coincés (pour la 2ème fois), et j'avais déjà une sciatique à l'époque (et un peu de polyarthrose, etc. Mais c'est un détail. J'avais qu'à ramper pour les faire, ces 172 km. J'en faisais bien 1000 pour aller faire des happenings à Paris).

Si mon travail n'a pas été présenté sous un angle artistique, c'est ma faute; mais il aurait pu au moins me le dire. Cependant, Xavier Lambert semblait ignorer même que je créais des choses, y compris par le biais numérique, y compris par le biais d'Internet (mais ça, c'est vieux. Des images à lire dans l'ordre qu'on veut, pour créer son propre texte, révélé quand on y colle la souris, je sais, c'est vieillot. C'était en 1999. C'est pourquoi je voulais me mettre au php, à spip, que sais-je...).
Il ne m'a absolument pas demandé à un seul moment en quoi consistait ma démarche artistique, et en quoi ça avait un rapport avec le numérique, ... ou le Mastère proposé.
Je travaille depuis 20 ans sur le corps. On peut être "artiste" et produire de la merde. Je ne dis pas le contraire : j'en ai moult fois l'occasion de le constater. Mettre son corps en jeu (enjeu), quand on parle de corps "sans bords", même -et donc- virtuel, c'est alors le minimum. Comme il n'avait rien lu et pas même visité une image ou deux, causer de mon travail aurait été au dessus de ses forces. Intellectuellement, aurait-il été capable de parler de "Peau d'âme" ?
Et si c'était pour ça qu'il a éludé le sujet ?
Ou bien parce qu'un corps "qui déborde", physiquement,en vrai, c'est à éviter ? Ca s'appelle un évitement, pas une sublimation, ça ! (bah, j'ai de vieilles notions de pasychanlyse).

Me dire "une thèse, c'est sur papier" (texto !) quand je m'étonne à voix haute des amoncellements de paperasses sous ses pieds, ses coudes... alors qu'il s'agissait pour moi d'art numérique, c'est me prendre pour une débile, ou l'être soi-même. Bien entendu que je sais qu'il faut (est-ce encore le cas ?) rendre "aussi" du papier avec le CD Rom, DVD, Performance, site Internet interactif ou cassette vidéo (un ami, il y a 15/20ans, a rendu le premier mémoire de Maîtrise-vidéo à Paris8, et ma M.S.T. consistait, en 1997, en un CD Rom intitulé "Un anti-manuel d'arts plastiques" -sic- parce qu'on ne "touchait" pas l'oeuvre avec les mains, et qu'elle n'était pas sur papier; double jeu de mots... Bien entendu, j'ai aussi rendu formellement un livret papier de 50 pages qui décrivait icelui).
Notons que nombre de Fac se retrouvent maintenant à scanner des textes dont elles ne daignèrent pas, à l'époque, collecter la disquette qui servit à les écrire ! ( je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître... ). Voilà ce que "Une Thèse, c'est sur papier" veut dire : le sommet de la connerie et de l'inadaptation. C'est une excellente sauvegarde, par contre. Oui. Si l'encre est pérenne, et le papier.

Voili voilou.


Finalement, voici une démarche pseudo-artistique à ma façon : laisser un OINI dans le cyberespace. Sans un radis, passer devant tout le monde dans Google en écoutant mon intuition du moment. Passer devant tous les Xavier Lambert de la planète. ;)

Un jour, essayerais-je les Kevin Martin, les Sandra Dubois ?

 

Ceci est un O.I.N.I. (Objet Internet Non Identifié)

Auscultant le CV de ce vieillard, j'ai donc manqué m'étrangler a posteriori devant sa mauvaise foi !

corps et art numérique, Lauranne, numérisation directe. Bandeau de 2000

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Extraits de "Peau Damnée"
( Il parait que "Peau d'âme" est déjà pris. Ce concept général en est le gant retourné, le corps à l'extérieur, donc, et sans bords, évidemment ! Mais ça parait tellement évident... Commeil s'agit d'un méta-texte, il est construit de la même manière que son contenu, et les extraits c i-dessous ne peuvent pas vraiment en dire quelque chose, mais, bon... )

- Et ils restent beaux ? - Oui, surtout quand ils ne cherchent pas à l'être. Ils brillent comme des trous noirs sur l'espace du papier. Des trous d'épingle qui te font passer d'une face à l'autre. - D'un espace à l'autre, c'est ça. - Pas vraiment, et même pas du tout; je parlais d'espace plissé. Encore ce rien ! En tout cas, l'espace reste le même. Tu auras beau le plier, le froisser, le mettre en boule : il changera seulement de dimension. - Du plat au volume, alors ? - Et bien, non, justement, pas jusque là. Ils sont pourris de dimensions. Ces textes, tu peux les raccommoder, les user, les désinfecter, les presser, les étirer, les lisser, les amidonner de grammaire et d'orthographe, les repasser, et les ranger, eh bien, ils auront toujours des trous. Ces fameux points... Ces points de suspension, justement, qui tiennent les murs alors qu'on pourrait les croire placés là pour la décoration. - Ou, à l'inverse, pour retenir les vieux chiffons.

La complexité du réel, pris comme globalité, était impossible à appréhender conceptuellement dans la conception euclidienne de l'espace-temps héritée de la Renaissance. Elle a nécessité le découpage de sa représentation dans le cadre du projet taxinomique et du dépliage panoptique qui en est issu.

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-Eh bien, on ne sait pas. Je ne sais pas. Je n'ai pas su. C'est ça, une peau. Je suis passée au travers. J'ai fuit. J'ai cru irriguer quand je ne faisais que me répandre. Et alors ? Que faire d'une peau qui ne serait pas perméable, d'un épiderme bétonné...On se retrouve comme ces philosophes qui imaginaient la vie possible à l'intérieur d'un corps blindé contre l'extérieur, bouché pore par pore.


- Port ?
- Oui, exactement : port par port. Plus de porte à porte. Je suis les trous qu'on imaginait boucher. Mais je ne suis sans doute que ça. Pardon : je suis ça. C'est là que le rien acquiert toute son importance, et sa raison d'être. D'être rien. Parce que le vide signifie le trou encore plus que le plein. C'est un lieu de passage, un trou dans la pierre, un regard dans un mur mitoyen.

“ Étant donné que nous ne pouvons éliminer le langage d’un seul coup, nous devons au moins ne rien négliger de ce qui peut contribuer à son discrédit. Y forer des trous l’un après l’autre jusqu’au moment où ce qui se tapit derrière, que ce soit quelque chose ou rien du tout, se mette à suinter à travers. ”3 dit Beckett. Parce que l’identité dans la mêmeté s’inscrit paradigmatiquement dans la logique du dépliage panoptique comme système de pouvoir dont procède le corps organisé, elle ne peut pas procéder du corps sans bords. Le propos consiste donc à “ forer des trous l’un après l’autre ” jusqu’à ce que l’identité en tant qu’altérité, du corps sans bords, “ se mette à suinter à travers ”.

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Il s'est soudain tenu debout tout seul. Un vrai. Un vrai texte inventé. C'était fini. Il ne parlait pas par ma bouche, ce n'était pas moi, c'était lui. Il m'a regardé. Et il m'a vu. Il m'a regardé le regarder.
[..]
Et ils ont lu comment ? - Ils ne m'ont pas lu...- Ils n'ont pas lu ? - J'ai dit qu'ils ne m'avaient pas lu. Ils ont lu quelqu'un d'autre ! Ils l'ont lu, lui !
- Lui ?

Le parcours vers ce je qui date d’avant la réalité, c’est tout le sens du voyage d’Orphée. Et le corps sans bords pourrait être l’outil conceptuel qui permet d’accéder à ce je primordial car le corps sans bords déconstruit le corps euclidien qu’est le corps organisé, parce qu’il est constitué sur un mode d’espaces multi-connexes et non sur un mode arborescent.

Art et corps, bandeau de 1998

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- Je suis ce trou dans la terre d'où j'ai voulu me faire sortir. Ce qui est impossible, bien entendu. C'est autrefois qu'on disait " sortir de soi. Aller au bout de soi-même. Se dépasser. ", et c'est impossible. - Surtout pour une peau, hein. Je suis faite pour les rencontres, pour contenir, pour couvrir comme pour être couverte. Mais je n'existe pas seule. Parce que je suis.

Le corps sans bords n'est pas le corps constitué d'une succession d'organes qui le situe dans la finitude spatio-temporelle du dépliage panoptique. Ce n'est pas le corps structuré de façon arborescente, c'est un corps formé d'espaces multi-connexes. C'est le Corps sans Organe de Deleuze et Guattari.

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Comme si l'écriture, ces maillons de signes, ces chaînes figées de mots cloués au pilori blanc des pages, pouvaient signifier autre chose qu'elle-même. Comme si l'homme n'était pas la mouvance qui, justement, fait que la banquise ne peut que se briser, se disloquer; se recomposer autrement. Comme si l'homme, et je revendiquais d'être un homme, même si je suis une femme, comme si l'homme était autre chose qu'un chemin ( un parchemin aussi ).


- N'est-ce pas que nous sommes tous des trous ?
- Même quand tu me parles, alors que tu entres en moi. Oui.

Étant intensités, il est aussi le procès du corps dans ses interconnexions avec le réel. Il est “production du réel”, pour reprendre la formule de Deleuze et Guattari6, mais il est dans cet espace temporel infiniment bref qui sépare le réel de la réalité, si nous admettons que la réalité est l'actualité du réel. C'est la raison pour laquelle le corps sans bords, parce qu'il date d'avant la réalité et que, de ce fait il précède le logos, est le lieu privilégié où doit se situer l'artiste dans son procès d'information du réel.

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Il s'est soudain tenu debout tout seul. Un vrai. Un vrai texte inventé. C'était fini. Il ne parlait pas par ma bouche, ce n'était pas moi, c'était lui. Il m'a regardé. Et il m'a vu. Il m'a regardé le regarder.
[..]
Et ils ont lu comment ? - Ils ne m'ont pas lu...- Ils n'ont pas lu ? - J'ai dit qu'ils ne m'avaient pas lu. Ils ont lu quelqu'un d'autre ! Ils l'ont lu, lui !
- Lui ?

Et le rôle de la création artistique se situe plutôt dans l’émergence de l’Autre que dans la permanence du même, et l’Autre est figure de la multitude, de la multitude non organisée. La question est de savoir si cette multitude non organisée n’est pas aussi le réel et si ce n’est pas parce que l’idée du réel comme multitude non organisée est insupportable que l’humain va tenter de l’organiser en en construisant des représentations. Le schéma représentatif dominant depuis le XVIIIe siècle peut être défini par le concept de “ dépliage panoptique ”. C’est un mode de représentation arborescent qui est notamment à la base du principe de l’ordinateur. Mais le fonctionnement algorithmique de l’outil inscrit aussi des schémas rhizomatiques. Et si l’arborescence renvoie à la multiplicité, le rhizome renvoie plutôt, lui, à la multitude. C’est depuis cette multitude que l’artiste parle en tant que je. Mais le je dont il est question ici est un je primordial qui date d’avant la réalité. C’est le je qui permet de : “ Donner voix à l’innommable, donner figure à l’infigurable, [et] suppose de défaire les formes coagulées, de les ouvrir, de les déplacer … ”

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Le corps sans bords, c’est à la fois le lieu de l’identité et de l’altérité, c’est le lieu de l’identité parce que celui de l’altérité. C’est par l’altérité du corps sans bords que l’artiste construit son identité, sa permanence. C’est par le corps sans bords qu’il acquiert une identité qui ne relève plus du stéréotype de la mêmeté, mais de l’archétype de la singularité. L’artiste n’est pas l’individu, celui qui ne se divise pas, du corps organisé, il est la multitude de la singularité.

Le corps sans bords est singulier, nécessairement singulier, parce qu’antérieur à l’image, et que l’image inscrit déjà la reproduction. Mais il est multitude parce qu’il est puissance que l’œuvre d’art n’actualise que partiellement à chaque fois.

Blablablabla

- Et il y a des mots qui nous font perdre notre temps, des pages entièrement pleines de vrai vide, de gros vide tout propre, tout plein de rien. On a beau les découdre, pour les repriser, les ravauder : rien pour les accrocher. Rien où les accrocher. Rien pour nous raccrocher. - Et même pas le rien ? - Et surtout pas le rien. On y étouffe, on y manque d'air. Au mieux, on les oublie; au pire, on s'y reconnaît. - Ce n'est pas rien. - Si : dis-moi, qu'est-ce qu'ils pourraient m'apporter, mes mots ? Ils sont déjà sucés et resucés, mâchés. Vomis. En plus, c'est très désagréable de les retrouver ailleurs alors qu'on les croyait morts ! Voilà : tu les écrases sous la dent, tu les broies, et tu en avales le peu qu'ils ont de jus, et parfois, c'est très mauvais; et puis tu les retrouves dans la bouche de quelqu'un d'autre, qui te les recrache aux oreilles. Si encore on me crachait ce petit morceau que je n'ai pas trouvé, un petit noyau pointu, une écharde... Mais ça fait mal ! - Moins mal qu'une vérité qui ne blesse pas. On a là, écrite en lettre de feu cette épouvantable sentence : pas d'âme. Quelqu'un d'autre aura pris tes mots, les aura pétris, malaxés, triturés, et rien. Pas d'âme.

 

Merci.Grâce à vous, monsieur Lambert Xavier, j'ai écrit donc "Vacuités". J'attend toujours que vous en écriviez la suite.

 

Lauranne
Avril 2008

(*) Xavier Lambert est enseignant en Arts Plastiques à l'Université Toulouse-le-Mirail (France).
Son oeuvre : http://cerap.univ-paris1.fr/cerap/LIGNES/CONTE/clonage/artistes/lambert/xavierlambert.html
"Le corps sans bords" : http://www.robertredeker.net/textesd_amis_xavierlambert,lecorps.htm
... Ces liens ne répondent plus.


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