L'Effet-Mère
(extraits)
les mots c’est comme les oignons
on les émince pour qu’ils sentent
et sachent ce qu’ont à savoir
les mots c’est comme les patates
on les épluche on les fait frire
pour que disent ce qu’ont à dire
les mots c’est comme les endives
on les lave et puis on les braise
ou on les bout pour qu’elles taisent
le secret qui sait nos fadaises
les mots c’est comme les gens
on les triture en tous sens
on les hache et barramine
on les gâche : et puis on dîne.
Corps – 2004
La nuit a mangé les cerises
et croque l’âme des cachots
je crache à l’âtre des tripots
en nage dans le sang des mots
La nuit engendre des rabots
qui glissent froids dans ma chemise
où bourgeonnent des rats d’église
amants-morts de la nuit qui frise
La poésie m’a désossé
de mes feintes de mes couteaux
je suis nu de tant de fardeaux
à l’abord perdu de l’enclos
*
Les jours tout doucement s’effrondrent
dans un fracas que tu n’entends
pour être assourdi du fracas
du monde où tu comptes les jours
de chaque jour ton temps s’abrège
or tu vis comme si devait
ton temps compter tant d’autres jours
que chacun peut compter pour rien
quand il faudrait de chaque jour
faire un monde sans rien de reste
vider toute coupe de joie
sans regret d’avoir rien remis
rien remis n’avoir qui se jouisse
de tout ce que ton jour peut jouir
et tes nuits, que ne s’y enfouisse
de honte l’éclat du désir
mais qu’il se découvre au grand jour
qu’il s’écrie s’écrive qu’il ouvre
dans la nuit les portes de jour
les portes de nuit dans le jour
Car on s’en ira sans bagage
on s’en ira à rien qu’on sache
ni plus ni moins que pierre ou vache
dans n’être-rien on non-sera.
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