Armand Olivennes

La Marchoire


Qu'y a-t-il dans ce buisson
qui sépare
la ronce de son moineau
la goutte de pluie de la goutte d'eau ?
Que veulent les épines à l'aveugle
et la rosée à la rose ?
Pourquoi la laine ne pose-t-elle pas
son agneau sur la faux qui coupe ?
L'aurore a mis feu au soleil
l'herbe est un nid de joailliers,
ma roche et moi sommes dirigés
comme des miels
qui s'éternisent dans la fumée…
Non ! Tu ne vomiras pas !
me disais-je, aiguillonné par ces laitages.

Les enfants du bon Dieu et les canards sauvages
veulent t'écœurer
comme un hibou, sur le platane,
huant au bariolage,
ou une pie chantant sa tuile !
Es-tu ton propre inquisiteur ?
Cet écœurement sort de la rue
il éteint l'aube à sa prison
c'est de la table pour les azymes
de la nuit pour les revenants
Ecoute en toi ton ennemi
il monte au ciel il en descend
dans son cartable des souris
à sa lentille, une invention,
il cogne sa maison contre les murs.
Ecoute en toi le vomitoire
il a escaladé une brindille
il a fait boire l'ombre tarie
à ses deux faunes réunis.
Si tu vomissais, me disais-je,
tu déracinerais une cime,
tu effeuillerais un gisement d'ossements
et de pierres précieuses
tu ne verrais plus ton aveuglement
la paille sur l'étincelle,
la tenaille sous la rouille,
les moissons en exil entre les oiseaux et les poissons.
Ne te détourne pas
de cette séparation :
l'armure et l'armurier se perdent au loin ensemble
le plomb circule autour de ton anneau
les asters sont privés de points cardinaux
et le vin dans les baies est privé d'artérioles.
Les anges n'échoueront pas à souffler sur les cils.
Un berger écœuré
écoute bêler
son troupeau d'épines
A ton écœurement buissonnier
il fait voir de son bâton
sur la Place du crépuscule : un troupeau de couleuvres qui dansent la séguedille
au ciel, un troupeau d'hameçons qui luisent
et sur les groseilles, les framboises, les mûres, un peloton de pilosité infime.
Réunis ces cotillons, ces voûtes, ces canines ! me dit-il
et ton aveuglement verra la tombe criminelle
vomir ses morts.

L'ardeur de mes yeux se séparait de l'ardeur de mon âme
qui se réunissait à l'ardeur glacée du sentier effrayé.
Toute mon obscure nuit était enterrée
avec ses guides et la hauteur de ses montagnes.
Dans l'égarement apical
mûrissait mon épine percée par le soleil
exilée dans ses butineurs.
Une larme de lavoir venait cueillir son tesson de fleur
aux arceaux enterrés.

Ce jeu qu'on appelle pureté

Le Nœud des Miroirs

Notice bibliographique


Type : texte imprimé, monographie

Auteur :   Olivennes, Armand (1931-....)
Titre :   La Marchoire [Texte imprimé] / Armand Olivennes
Publication :  Fajoles (Caminel, 46300) : le Noeud des miroirs, 1999
Description matérielle :  Non folioté [10] f. ; 17 cm
Collection :  Le Nœud des Miroirs. Numéro errant
Note :   Suppl. au "Nœud des Miroirs", ISSN 0755-0413, N°10-11


Prix : 4,5 €