Jean Pierre Pouzol


Jusqu'au blanc central


Maintenant vous pouvez venir
me cagouler
m'écarteler
  à nerfs
jusqu'au blanc central

Maintenant vous pouvez m'arracher
mes oiseaux de langage
  ce sont ossements pourris

Maintenant vous pouvez m'écorcher
ma langue restera plantée
  dans la rûche
des cris
comme à jamais ma désertion
3 avril 1977

*

mes mots seront morsures
os acérés de la folie
museaux blessés des blés

l'enfant jouera avec

les étoiles de sa tête
l'oiseau perdra bec
langue et pattes
en sa cage d'azur

continuerons à circuler
les pommes à chapeau mou
et les feuilles pourrir

le monde ne sera pas sauvé
3 avril 1977

*

De la pierre à miroir me coule
par les yeux putréfiés

Des membres d'argile me sortent
de l'abdomen carbonisé

Des coups très durs me pleuvent
sur le front troué

Des formes blanches m'entourent
dans la perte de moi-même
et ricanent

4 mai 1977

*

rose incarcérée dans les nerfs
peau des mots
ombre flamboyante
recouvrant les os

un peu de chair
du silence scellé
sur la bouche des carpes
du sang foulé dans les pages

au fond de la forêt
la mer soulève le soleil
qui sèche sur la toile
comme un ventre ouvert

20 juin 1977

*

saumures ligaturées
à nos bouches livresques
boutures d'incendie
à nos tempes transfusées

on fabrique notre mort
au nœud d'unissson
dans ce corps-pirogue
de lumière naine

le sperme des masques
- introït osseux -
immerge l'enterrage
de nos verges-étranglement

on attend la bête essorée
amande du berceau-verrou
dans la nuit-fontanelle
où fermente la folie

22 août 1977

*

ô ce poing de foudre qui végète et obstrue tout

serai-je mort quand je déchirerai mes arbres
mes os poudroient et tombent dans la parole
ma langue a des yeux à la limite du regard
mes nerfs se concentrent autour du trou

ma chair voudrait fondre dans le réseau du sang
fondre en d'autres chairs
et ne plus être ce paquet de consumation

comment dire rose dans le crâne-cerf

22 août 1977


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