Jean Pierre Pouzol


Enfants  de  la nuit
à la mémoire des 8 enfants juifs du Lot livrés aux nazis
le 2 septembre 1942.

enfants de la nuit qui brûlez dans les fours
je marche avec le feu et la fumée de vos corps
je marche avec vos rêves et vos rires carbonisés
le soleil aboie
pour tous les enfants morts
enfants de la nuit noyés dans un profond sommeil
vous surgissez en nous
comme l'espoir en sang dans la cave du temps
le soleil aboie
pour tous les enfants morts
enfants de la nuit
étendus dans nos rêves
comme un pain de grotte>
  le soleil aboie
pour tous les enfants morts
enfants de la nuit
couchés dans la lumière immobile
comme un bloc d'angoisse qui cogne la porte
qui cogne
depuis tant d'années
le soleil aboie
pour tous les enfants morts
enfants de la nuit
je voudrais pouvoir crier votre illimité
je voudrais pouvoir crier votre immense espoir
et crier
crier que rien de tout ça n'a eu lieu
le soleil aboie
pour tous les enfants morts
je voudrais pouvoir vous étendre
dans des mots vivants
et chanter votre infini
le soleil aboie
pour tous les enfants morts
mais je suis là dans un trou
d'angoisse brute
pour chaque jour qui commence
le soleil aboie
pour tous les enfants morts
et je suis là dans la bouche qui marche la nuit
et je suis là sous la douche qui crache la suie
et je suis là sous la lune d’os qui hurle vos rêves
et je suis là naufragé parmi les naufragés des fours
et je suis là dans l'incendie immense de votre martyr
le soleil aboie
pour tous les enfants morts
enfants de la nuit
je voudrais pouvoir chanter un espoir illimité
mais je n'entends que vos rires carbonisés
le soleil aboie
pour tous les enfants morts

Poitiers, 21 février 2002
Caminel, 27 février 2002

(in Poème oraux, La porte de proie)

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