Pour
Jacques Rouby
Toute parole est parole peinte je peins la
nuit avec la suie les mots tourbent le profond remuement des visages
morts dans la cage carbonisée je peins la forêt avec mes rêves les
mots sourdent des fonts freux d’effroi tourbillonnaire hérissés dans
l’air osseux je peins la pluie clouée sur les persiennes les
mots tournoient dans la combe hantés par des hordes caves qui broient
le sphinx noir je peins ma faiblesse enfermée dans la toile les
mots troublent le ciel dans le cœur du passant qui n’a pour ombre que
son enfance je peins le labyrinthe et sa muraille de lune les
mots soulèvent le couvercle des maux qui ferment le cercle des cris
dans le chant pourri Je
peins les mots Avec
des mots de fer des mots d’enfer qui serrent je peins au sang avec des mots rongés jusqu’à la pierre de songe pour
laver le cerveau je peins la Parole mensonges je peins le bruit des fleurs mensonges je peins la pierre-oiseau mensonges mensonges ce sont paroles peintes sur mes
lèvres couleurs feintes des mots je peins ce qui ne peut se peindre les
mots du van des douleurs Philadelphie, 17 septembre, Caminel 8 décembre 2002. |