Jean Pierre Pouzol

Chant
(Pour Taffy)

*

Nul lieu ne délivre
Au bord de la route
Tu rencontres des morts d'autrefois
Tu te souviens d'une voix

Si tu tends l'oreille
Près du mur c'est là
Dans la pierre froide
Que tu crois

Entendre des pas
Le martèlement de l'esprit
Contre le linteau ou la poutre
Contre la porte qui ouvre
Un trou de rivière

La lumière vient te prendre
Tes rêves

Tu casses un brin d'herbe
Pour échapper à la détresse

Dans ton souffle un oiseau suffoque
T'oppresse
Et tu caches tes mains
Muettes
Brisées

Comme si tu cherchais
Le salut de l'esprit

Caminel le 24 janvier 2003.


*

Plus tard lorsqu'il viendra et te demandera
Es-tu heureux ? Tu répondras
Oui je le suis
Et même si brûle ta raison
Même si brûle ton sommeil
Même si tu n'as plus de maison
Car ton enfance est morte
Alors oui tu lui diras
Je le suis

Mais peut-être qu'il ne viendra pas
Parce que c'était toi

*

Tu mènes les vaches
Au pré
Boire la parabole

*

Jamais tu ne parles de ces maisons d'exil
L'une sinistre avec sa façade de parpaings
L'une avec sa chambre unique c'était dehors
L'une avec ses deux chambres en quatre
L'une avec ses escaliers en piège à loups
L'une avec ses bûches par en dessous
L'une avec toi toujours avec toi mais
Comme des papillons de mai
Tu pouvais tout oublier
Si tu lançais tes avions de papier
Sauf le temps


Caminel 24 janvier 2003

*

Tu es seul sous le prunier
Et c'était mal débuter
Est-il permis d'ainsi rêver
Mais tu t'obstines
Et les prunes chaudes
Compoteront ta tête
Puis le ciel volera
Du mur au presse-bouton
Avec son cri de hulotte

*

Disperse tes pensées
Chacune piquée comme un insecte
Un cœur de grenouille qui bat
Sur le formica blanc
Parfois tu te caches derrière
Jusqu'à ce qu'elles forment
Un mur de rêve
Une grotte d'ailleurs
Puis le soleil filtre tendrement
Inonde d'ombres la cour
Sera-t-elle là aujourd'hui
Comment t'accepter

*

Après tant d'années forcenées
Nous sommes montés au jardin
Mais que restait-il de nos jeux
La poussière des chants d'oiseaux
Dans le silence le jardin s'ouvrait
Dans les mots deux ombres frêles
Décochaient une flèche de tulipes
Sur une cible invisible
Après continuèrent à croître
Des souvenirs profanés
Quelque chose se préparait
Une pierre aux lèvres de blessure


Caminel le 6 février 2003

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