Le
piège à loup des images
Quand
les diseurs plongent dans la nuit
La route éteint les branches
Et les maisons chantent au fond de la rivière
Sur chaque porte on a cloué un cerf
On a barricadé le soleil au levant de la combe où
les neiges épineuses mûrissent dans les maïs
empierrés
On a pris au piège des roses
Le loup étincelant des rêves
Les cèpes rouvres de l'image
Le fruit limpide des paroles qui erre toutes les nuits dans le
sang du dormeur
On a marché descendu et remonté
Et descendu à nouveau des chemins voilés
Des chemins de craie transparente qui tracent toute une vie
Inachevée
Le sable chatoyant allume une forêt
Un cri trois fois retentit
Trois fois claquent ses ailes dans le sablier de pain
Comme une main de femme nue et irisée
Une femme qui s'est déshabillée dans le cur
d'une panthère et qui attend
Puis le cerveau tourne comme un ange dans la nacelle en flammes
Le vent s'est arrêté comme un cheval fourbu
Il rallie l'épée d'hermine à la clairière
de la citadelle
Puis le cerveau tourne comme un ange dans la roue
Dans cette roue qui est une roue qui tourne dans le soleil qui
tourne dans la raison qui
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tourne
le coin du bois où roulent nos têtes |
Pierre ma parole
Pierre mon cri
Pierre mes yeux scellés sur les bennes des camions qui parcourent
un pays asséché avec des
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meuglements
de bêtes qu'on dépèce |
Comme ces glaces
où nos corps déambulent
Comme ces enfants que l'on a jetés sur les poignards de la
rosée
Comme ces panneaux signalétiques que sont nos visages momifiés
Mais que guettes-tu du haut des Monges
Où par bandes successives viennent mourir les étoiles
Couteaux figés dans le miroir d'une ville
1992
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