Jean Pierre Pouzol

Le piège à loup des images

Quand les diseurs plongent dans la nuit
La route éteint les branches
Et les maisons chantent au fond de la rivière

Sur chaque porte on a cloué un cerf
On a barricadé le soleil au levant de la combe où les neiges épineuses mûrissent dans les maïs empierrés

On a pris au piège des roses
Le loup étincelant des rêves
Les cèpes rouvres de l'image
Le fruit limpide des paroles qui erre toutes les nuits dans le sang du dormeur
On a marché descendu et remonté
Et descendu à nouveau des chemins voilés
Des chemins de craie transparente qui tracent toute une vie
Inachevée

Le sable chatoyant allume une forêt
Un cri trois fois retentit
Trois fois claquent ses ailes dans le sablier de pain
Comme une main de femme nue et irisée
Une femme qui s'est déshabillée dans le cœur d'une panthère et qui attend

Puis le cerveau tourne comme un ange dans la nacelle en flammes
Le vent s'est arrêté comme un cheval fourbu
Il rallie l'épée d'hermine à la clairière de la citadelle

Puis le cerveau tourne comme un ange dans la roue
Dans cette roue qui est une roue qui tourne dans le soleil qui tourne dans la raison qui
  tourne le coin du bois où roulent nos têtes



Pierre ma parole
Pierre mon cri
Pierre mes yeux scellés sur les bennes des camions qui parcourent un pays asséché avec des
  meuglements de bêtes qu'on dépèce

Comme ces glaces où nos corps déambulent
Comme ces enfants que l'on a jetés sur les poignards de la rosée
Comme ces panneaux signalétiques que sont nos visages momifiés

Mais que guettes-tu du haut des Monges
Où par bandes successives viennent mourir les étoiles
Couteaux figés dans le miroir d'une ville

1992

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