Lauranne

Mes Oulipettes

(extraits)

Si vous aimez l'OULIPO !

L'essor du mâle

Pour remplir ces pages, j'aurais pu vous pondre un texte émouvant, et sinistre à souhait. N'ayant pas d'âme, je suis en fait obligée de me servir de celle des autres. Par exemple, j'imagine avoir mal entendu ce magnifique poème de Baudelaire :

LA GÉANTE

Du temps que la Nature en sa verve puissante
Concevait chaque jour des enfants monstrueux,
J'eusse aimé vivre auprès d'une jeune géante,
Comme aux pieds d'une reine un chat voluptueux.

J'eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme
Et grandir librement dans ses terribles jeux,
Deviner si son coeur couve une sombre flamme
Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux;

Parcourir à loisir ses magnifiques formes,
Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains,

Lasse, la font s'étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l'ombre de ses seins,
Comme un hameau tranquille au pied d'une montagne.


Ah lalalala, quel talent, ce Charles! ...tiens, déjà, il m'avait semblé entendre :

La Chiante

Du cancrelat nature en saveur très puissante
Qu'on servait chaque jour d'aisance en monts grûmeux,
Jus semé vif, rôts prêts: de jeûner j'ai honte,
Comme un pied dur d'oreille, insane au luxueux!


A moins que ce ne soit :

Le plus Beau Des Lares

Du temps que l'âne attire en sa verge épuisante
Cons revêches, aqueux, turgescents faons monstrueux,
J'eusse aimé vider aux raies d'une jeune chiante
Des mots pieux d'une veine au charme luxurieux.

Signalons qu'un lare est un petit dieu romain, protecteur du foyer. Je doute pourtant que ce brave Charlie ait vraiment été aussi loin, bien que, parfois, les Fleurs Du Mal, hein...

Mais voila, finalement, ce que je crois bien avoir entendu.
Bizarre: je me vois donc comme un monsieur plus très jeune, et préoccupé par son âge, vu qu'il aime draguer les jeunettes...
L'âge hante

Du temps que l'âme tuant sa verve démontée
Conspuait chaque journée en sermons studieux,
J'eusse aimé lire aux prédelles d'une éhontée,
Comme impie et du nez dire un voeu luxurieux.

J'eusse aimé boire encore et rire avec son âne,
Et mentir librement, penser des ris bleu-jaunes,
Des vinasseries sans coeur qu'ouvre une sombre manne
Aux amis débrouillards qui nagent dans ces zones;

Par coup rire à l'oisif et railler pis que pendre,
Lamper sur le verre sans de ces gènes énormes,
Et par foison téter, quand le sot laiss' le sein.

Là, c'est cela : et, tendre entrave à la compagne,
Dire non galamment à l'ombre des essaims,
Commun nabot tranquille au pied d'une montagne.
 
Salammbô Deler

 

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